L’histoire au fil de l’eau

Molly Managhan est une jeune femme irlandaise née à quelques kilomètres de Skibereen, petite ville du sud de l’Irlande. En 1846, poussée par la faim, elle doit quitter son île natale. Elle embarque sur un « coffin ship », direction New York. Molly Managhan a vécu des centaines de vies. Elle a parcouru plusieurs milliers de kilomètres sur l’Atlantique, s’est souvent installée sur la côte américaine, quelque fois un peu plus à l’ouest. Elle n’a pas toujours échappé à la mort. Molly Managhan, c’est l’histoire de ce million d’Irlandais qui, au cours de la grande famine de 1845-1852, ont pris le large vers le Canada, l’Australie, les Etats-Unis.

Cette trajectoire peut nous être décrite grâce à des élèves de seconde euro qui ont choisi de l’imaginer au fil d’un journal pas tout à fait intime. Outil intemporel et terriblement actuel, c’est en effet twitter qu’ils ont désigné comme support à sa rédaction. Ce choix d’historiens imaginatifs prend pour cadre le travail mené lors d’une séquence de DNL en histoire-géographie sur l’histoire de l’immigration irlandaise. Ils ont d’abord fouillé le sujet en se familiarisant avec les lettres de la famille Curtis, qui fut de chair et d’os. Puis, à l’initiative de Maxine Marchand, qui doit ici être félicitée, ils se sont appropriés une histoire collective pour l’écrire à la première personne tout en conservant une nécessaire mais délicate cohérence historique. Ils ont cherché un nom, un lieu de naissance, un visage, un caractère, un parcours.

Ce travail, mené largement en autonomie, permet de rappeler qu’au-delà du nécessaire élargissement des horizons culturels, la classe euro au lycée est l’occasion de faire l’expérience d’une histoire et d’une géographie renouvelée dans ses approches par une autre langue, d’autres mots pour dire le monde et ses représentations. On ne fait pas de l’histoire et de la géographie de la même façon dans les classes irlandaises, américaines et françaises. A l’heure où l’on publie une « histoire mondiale de la France », l’initiative de ces élèves rappelle l’importance d’une histoire déplacée et dépaysante, reprenant peut-être à leur compte les mots de Jules Michelet qui expliquait, dans son introduction à une histoire qu’il voulait universelle : « ce ne serait pas trop de l’histoire du monde pour comprendre la France ».

Pierre Ranger.

Professeur

 

 

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